Amiens, le 14 octobre 2023.
Comme c’était dur…
Ce 100km, c’est une course que j’avais planifiée dans ma préparation à la course de 24 heure.
Celui du Bislett 24h d’Oslo des 24 et 25 novembre prochain.
J’en avais parlé à Pascal, il était OK. L’allure définie, 14,5. Pas plus vite. Alors allons y.
Pour m’accompagner, mes fidèles voisins/amis/supporters Béa et Dom. Béa suivra en voiture sur de nombreux points suite à une étude minutieuse du parcours, comme à son habitude. Dom sera sur le vélo pour m’accompagner avec mes ravitaillements lors des 80 derniers kilomètres.
Ce samedi matin à 6h30, le départ est donné depuis le terrain de football américain d’Amiens.
A mes côtés, les amis Jojo, Julien, Jérôme… Nous partons dans la nuit rejoindre les bords de Somme pour un premier aller et retour de 20km.
Jérôme, Julien et Jojo s’en vont, accompagnés de Remi. Je reste à mon 4’08 » au km, en compagnie de Diego. Frontale au dessus de la casquette, peu d’humidité, la température est fraîche mais agréable. N’ayant rien pris avec moi comme ravitaillement, je prends le temps de m’hydrater à chacun des 3 premiers ravitaillements répartis tous les 5km. Le parcours est tout plat, l’allure est facile à conserver.
Les sensations sont bonnes, la course est fluide, je cours à l’économie. Après 7km, nous reprenons le jeune Rémi qui s’est laissé décrocher.
Nous courrons maintenant à 3. Devant, eux aussi sont 3, et on ne les reverra plus, emmener dans leur rythme endiablé.
10km, demi tour, nous pouvons juger de l’écart.
Il n’est pas démesuré, mais déjà une bonne minute. Peu importe, je suis dans mon tempo pré établi.
Les premières lueurs du jour apparaissent timidement. Après un peu plus d’1h20, nous revenons au terrain pour un tour de celui-ci et repartir pour un second grand aller retour de 80km, cette fois-ci accompagnés par nos suiveurs vélo. A la sortie du terrain, Rémi s’arrête aux toilettes, Diego décroche pour rester sur une allure plus prudente, mais régulière. Le jour se lève, la température reste fraîche. 20km de parcourus.
Je n’ai pas pris de gants, je le regrette, les doigts manquent de sensibilités ! Mais on ne court pas sur les mains… !1/4 du parcours de fait.
30km, puis 1/3 de la course, en 2h18. Bien. Je prends ma musique à ce moment là.
40km…et le marathon ! 2h53′. Beau temps de passage, toujours dans l’allure cible. Parfait.
Les kilomètres s’enchaînent, la moitié, 3h26. Le rythme est tenu.
50km, plus que 10 avant le demi tour.
55km, premier verre de coca. Même deux grands verres. D’habitude, je commence bien plus tôt. C’est que le ravitaillements a été bon ! Sauf que peut etre…l’abus de coca a été trop important…
Je poursuis à la même allure, on croise les trois premiers, Jérôme a pris les devant, quelques mètres devant Jojo, lui même quelques mètres devant Julien. L’écart est fait, ils sont partis. Un plaisir de les croiser.
J’arrive au demi tour ! 60km !Aller, maintenant, 40km, on rentre direct vers l’arrivée !
Il commence à pleuvoir. Rapidement, je sens le dos froid, le ventre glacé. Le coca remonte, je vomis.
Tout s’accélère rapidement. Les jambes deviennent dures. Je m’hydrate en marchant, je repars. Rien n’y fait. Je m’allonge 1′ sur le côté…dans l’herbe mouillée…Diego me double, il a l’air bien, belle gestion.
Je repars, je suis trempé, j’ai froid. Je décide de changer de tee short et de chaussures au ravitaillement suivant.
Je n’irai pas jusqu’au ravitaillement, une table de pique nique au 64km. Je m’assieds. Dom me donne un tee short de change, pendant qu’on change de chaussure. J’ai froid, je tremble.
Les émotions des dernières semaines me submergent. Je n’abandonnerai pas, je ne peux pas, je n’en ai pas le droit. Je repars après 5 bonnes minutes. C’est trop tard.
Je repars en marchant, les jambes sont dures. Je commence à trembler, mes mains sont violettes, ma langue insensible et toute blanche. Dom me donne mon coupe vent mais rien n’y fait. Je suis tétanisé par le froid. Je continue à marcher, les mains sous les aisselles, pour rester le plus actif possible, rester le plus chaud possible, en marchant difficilement, comme un robot.
Je ne suis pas bien, mais je sais que j’irai au bout. Je dois aller au bout. Je ne peux pas faire autrement.
Dom décide d’aller au ravitaillement suivant, celui du 70eme, pour voir Béa et prendre de quoi me réchauffer. Il en revient avec une couverture de survie donnée par les secouristes. Ma première expérience de couverture de survie. C’est dingue comme c’est efficace !
Je mets du temps à me réchauffer, toujours en marchant, mais j’ai un peu moins froid.
73eme, j’essaie de redynamiser en trottant de temps en temps, à 7/8km/h, couverture sur les épaules. Les mains toujours violettes, mais la langue retrouve de la sensibilité.
Ravitaillement, je remercie les secouristes pour la couverture de survie, et les bénévoles me proposent de la soupe. Grand réconfort, elle est bouillante, mais qu’elle fait du bien !
75eme, je redonne la couverture à Dom, un rayon de soleil apparaît. Je trottine plus régulièrement…autour de 10km/h.
Plus que 1/4 !10,5/11km/h. Les kilomètres ne défilent pas vite, la première femme vient de me doubler, puis peu après Julien, mais j’arrive à courir sans m’arrêter, régulièrement.
80km, PLUS QUE 1/5eme !
Progressivement, l’allure revient, 85eme, 12,5/13km/h. Les kilomètres défileront plus vite ! Je continue à m’hydrater. A chaque ravitaillement, je m’arrête pour un gobelet de coca que me prépare Dom. J’en profite pour glaner une tartine de fromage, un bout de fromage…
88eme kilomètre, c’est reparti, j’ai retrouvé un bon rythme.
Au 90eme, je suis revenu à mon allure de départ. 4’10″/4’15 ». Les jambes sont raides, mais c’est reparti, le corps s’est réchauffé. L’écart sur Julien et Louise-Marie se réduit même !
Mais le seul objectif, tenir jusqu’au 100eme !
Bercé par une musique revigorante dans mon oreillette.
Plus que 5km, le compte à rebours est commencé, chaque kilomètre est marqué !
4km, je ne me suis pas arrêté au dernier ravitaillement, mais je demande à Dom à boire.
3km, je reprends la première femme, et je vois la cheminée d’usine que j’avais prise comme repère, derrière les arbres, là où nous quitterons la Somme pour rejoindre l’arrivée, 1,5km plus loin.
Je suis bien revenu sur Julien, mais il a relancé également. On quitte la Somme, c’est la fin, je relance encore.
Mon MP3 me lance une nouvelle musique, ce sera la dernière de ce 100km, un hasard, ou un signe venu d’ailleurs, toujours présent, pour conclure cette histoire : « les lacs du Connemara » !
La où ça a commencé, ça se termine.
Mais non, ça avait commencé avant, ça se terminera bien plus tard.
Dernier kilomètre, dernier tour de terrain, et c’est l’arrivée.
7h57′ plus tard.
L’émotion me rattrape. Lau me réconforte.
Ce n’est pas la conclusion, mais la poursuite d’une histoire.
Rendez vous dans 6 semaines, pour le Bislett 24-Hour Indoor Challenge à Oslo, pour 24 heures…
Pascal
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